La pratique de la marque employeur participe-t-elle à un nouveau mode de management ?
Nous sommes heureux d’accueillir la plume de Philippe Canonne, Membre du bureau de l’ANDRH et ancien DRH de La Redoute, Sephora et la Fnac.
Dans cette tribune, Philippe, décrit le nécessaire changement de posture du Management dans l’Entreprise du XXIe siècle, plus digitale et plus chamboulée que jamais : Cette dernière s’engage et attend de ses équipes une adhésion, un engagement réciproque.
Ce nouveau pacte social est fondé en particulier sur l’engagement de valoriser les talents de tous.
Philippe revient également sur la nécessité de transparence dont doit faire preuve l’entreprise pour valider sa part du pacte : « L’entreprise dit ce qu’elle compte faire. Et elle le fera. Elle annonce la couleur de façon ouverte et transparente. C’est sa Promesse Employeur. »
Enfin, Philippe conclut en rappelant que « La Promesse Employeur est la clé de voûte du nouveau contrat social. Elle doit être affichée et tenue… » Affichée pour les candidats, Tenue pour les actuels employés.
« La prouver est une urgente nécessité. »
Manager avec son temps / La pratique de la marque employeur participe-t-elle à un nouveau mode de management ? De Philippe Canonne
Nous sommes dans un contexte où il est devenu indispensable de « redéfinir le pacte social entre dirigeants et salariés » (JM Peretti dans Comment la crise transforme l’entreprise partenariat Anvie – Le Monde 2012 dont la contribution ci-dessous est directement inspirée).
La crise que nous traversons suscite inquiétude et insécurité parmi les salariés. Elle aggrave la perte de confiance dans l’entreprise qui s’est manifestée à partir des années 2000 par une remise en cause du contrat implicite les liant à leur employeur tel qu’il était issu des modes de management des années 80.
Trois ou quatre décennies que l’entreprise est « dans le monde merveilleux du Yakafokon managérial. L’univers du management de la performance et des managers-sauveurs parce qu’ils auront adopté le bon comportement, la vraie passion, le bon leadership » (S Enlart et H Laroche Les Echos 2012). Le tout mesuré dans de grandioses systèmes d’évaluation, nouvelle religion dont les Rh sont les clercs. N’en déplaise à Jack Welch manager du siècle (Fortune 1999) trois ou quatre décennies également que ça ne marche pas. Que le contexte ne se plie pas au volontarisme proclamé et que la complexité ne se dissout pas dans la flexibilité et le jargon. Qu’enfin les organisations et les salariés restent imperméables à l’idéologie du leadership triomphant.
Pourtant la sortie de crise nécessite pour les entreprises un engagement fort de leurs salariés et non « des troupes qui avancent à reculons » (JM Peretti) . C’est pourquoi elles doivent proposer un nouveau pacte social motivant qui les mette vraiment au cœur des organisations et non en guise de perspectives un catalogue de vœux pieux.
Ce nouveau pacte social est élaboré au sein de l’entreprise en ligne à la fois avec ses orientations stratégiques et avec les aspirations des salariés dans leur diversité. Il ouvre au delà sur les parties prenantes. Aux lieu et place du jargon Yakafokon il s’agit d’entrer dans un cercle vertueux mettant en perspective performance économique et performance sociale et sociétale.
Ce pacte social concrétise une relation de travail fondée sur un équilibre des droits et des devoirs réciproques entre l’organisation et ses salariés. Une réciprocité essentielle : l’entreprise s’engage de son côté et en contrepartie attend de ses salariés une adhésion à ses principes de fonctionnement et valeurs. Au delà de la pétition de principes le pacte social se concrétise dans des ambitions et des valeurs affichées, des engagements et des attentes concrets, précis et mesurables.
Ce pacte social est fondé sur l’engagement de valoriser les talents de tous. Il intègre le bien être et l’efficacité au travail qui sont étroitement liés. Il prend la mesure de l’impact humain des changements. Il est respectueux des hommes et de leur contribution. Il assume enfin les responsabilités sociales et sociétales de l’entreprise. Au delà des nécessaires actions c’est un comportement gagnant-gagnant.
Pour atteindre cet objectif qui n’est ni plus ni moins que « remettre l’homme au cœur de l’entreprise » (JM Peretti) c’est l’ensemble des pratiques et politiques managériales qui change. Le temps est venu de dessiner un nouveau Modèle de Management.
Il sera « bienveillant, empathique, proche des collaborateurs. Le manager efficace de demain aura une réelle disponibilité pour ses équipes. Il dépensera moins d’énergie pour le reporting. Il contribuera à leur bien être et prendra le mesure des risques humains inhérents au changement. Il fera une richesse de la diversité de ses collaborateurs » (JM Peretti).
L’entreprise aura à inspirer et former ces nouveaux managers. Elle devra les accompagner et les aider à faire vivre ce nouveau pacte social. Au delà des outils et process inévitables c’est un nouveau comportement, de nouvelles postures qu’elle devra les aider à acquérir. La contribution de chaque manager au développement de ses collaborateurs devra être repensée et valorisée dans l’appréciation de sa performance.
L’entreprise dit ce qu’elle compte faire. Et elle le fera. Elle annonce la couleur de façon ouverte et transparente. C’est sa Promesse Employeur. Celle sur laquelle elle s’engage vis à vis de ses salariés. Mais aussi des candidats actuels ou futurs, des prospects et aussi de ses clients pour qui le Social est de plus en plus au cœur de la promesse marketing de la Marque. C’est la clé de voute de la nouvelle vision des relations dans l’entreprise. Une expression forte, structurée et visible de ses nouveaux engagements sur laquelle elle accepte d’être elle même jugée par ses salariés et au delà les parties prenantes.
Et elle donne à voir les résultats de ses engagements. C’est le rôle de la Marque Employeur. Elément essentiel -mais non suffisant- du nouveau dispositif d’adhésion de l’entreprise à un nouveau mode de management issu d’un nouveau pacte social. La Marque Employeur n’est pas une nouvelle façon de Communiquer mais bien un acte de Management. Elle sert à prouver la totale adéquation entre le discours de l’entreprise et l’expérience des salariés.
Et pour répondre véritablement aux attentes des salariés elle prend le risque d’exposer la Réputation de l’entreprise. Elle donne la parole sur la Toile sur l’adéquation entre sa promesse et ses actions. Elle nourrit le débat, le facilite mais en aucune manière ne le contrôle. Elle accepte ce risque et s’enrichit du buzz qu’elle suscite.
Il n’y a pas de Marque Employeur véritable sans Liberté totale d’expression sur les nouvelles façons du Vivre Ensemble dans l’entreprise. L’aspiration au bien être, les nouveaux besoins de reconnaissance sont liés à l’émergence massive des réseaux sociaux. Ils ont créé de nouvelles sociabilités dont la crise n’a fait que renforcer le besoin. Le besoin d’un nouveau pacte social s’inscrit dans le cadre d’une révolution de civilisation dont il n’est qu’un aspect. Celle de l’hypertexte. C’est en en prenant la mesure et en s’appuyant sur cette nouvelle réalité que l’entreprise répondra vraiment aux attentes.
La Promesse Employeur est la clé de voûte du nouveau contrat social. Elle doit être affichée et tenue. La prouver est une urgente nécessité. Une Marque Employeur interactive donne à voir et à discuter cette preuve et accroit la Réputation de l’Employeur. Elle contribue à la fierté d’appartenance et à la légitimité du Management. C’est une des briques constitutives d’un Management en phase avec son temps.