L'intelligence Artificielle au service des RH

Temps de lecture: 12 min.
Ecrit par Charlotte Eba
Publié le

Les équipes RH travaillent très souvent sur des tâches chronophages, alors qu’elles pourraient se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée. Et si l’Intelligence Artificielle (IA) était une solution crédible pour accompagner ces équipes ? L’IA s’immisce dans les RH pour en faire le copilote de demain. Mais l’Intelligence Artificielle reste mystérieuse, et parfois controversée. Nous avons en tête des scénarios alarmants où les robots prennent le contrôle du monde. Rassurez-vous, Terminator ou I-Robot restent encore à l’état de fiction. 

“L’intelligence Artificielle va détruire nos emplois !”

C’est ce que l’on peut lire dans certains médias… En sommes-nous vraiment sûrs ?

Et qu’en est-il vraiment du côté des RH ? Peuvent-ils s’appuyer sur l’IA pour mieux performer ? 

Nous vous proposons de plonger avec nous sur la relation IA – RH, avec de nombreux exemples à la clé. 

Mais d’abord, définissons l’IA et examinons son historique.

L’intelligence artificielle, en une définition

L’intelligence artificielle consiste à mettre en œuvre un certain nombre de techniques visant à permettre aux machines d’imiter une forme d’intelligence réelle et humaine. 

Aujourd’hui, toutes les grandes entreprises, de Google à Microsoft en passant par IBM, se penchent sur l’intelligence artificielle. Ses domaines d’applications sont variés et peuvent très facilement s’appliquer chez les RH. 

L’histoire de l’IA et sa rencontre avec les RH

Alan Turing et les années 50

Le concept d’IA remonte aux années 1950. À cette époque, Alan Turing, mathématicien de profession, souligne la question d’apporter aux machines une intelligence capable d’imiter celle de l’homme dans son ouvrage « Computing machinery and intelligence ». 

Il décrit un test connu sous le nom de Test Turing, programmé pour formuler des réponses pertinentes. Un testeur dialogue avec une machine sans savoir si un humain ou une IA lui répond. S’il ne se rend pas compte de la différence, alors l’expérience d’intelligence artificielle était réussie.

Au milieu des années 60 et 70, la recherche autour de l’IA se développe, mais rien de concret ne voit le jour. On parle d’”IA Winter”. C’est d’ailleurs à cette période-là que l’on voit apparaître les premiers SIRH. 

Dans les années 80 et 90, l’IA vit un regain grâce au développement des ordinateurs. Depuis, l’essor technologique ne s’est jamais arrêté entre internet, ordinateurs portables, smartphones, etc.

Un premier pas pour l’IA dans les RH, en 2017

Jusqu’à 2017 en France, l’IA n’est pas vraiment présente dans le domaine des RH. Cela change au salon VivaTech de cette même année où de nombreuses startups commencent à utiliser l’IA pour optimiser les processus RH. Et nous en faisons partie ! 

Une part de plus en plus croissante de tâches répétitives pourrait être prise en charge par des “robots” capables d’interagir seuls. On pense, par exemple, au recrutement dans lequel les modalités annexes à l’entretien et la recherche du candidat peuvent être éreintantes pour le recruteur.

Que sait faire l’IA aujourd’hui dans les RH ?

L’IA est capable d’analyser une quantité de données difficile à appréhender pour l’être humain. De cette manière, l’IA libère les collaborateurs des tâches à faible valeur ajoutée.

La gestion administrative du personnel, certaines actions de recrutement ou encore une partie de la GPEC sont des exemples parmi tant d’autres. L’IA ne remplacera pas les équipes RH. Elle prend en charge des petites briques de certains processus.

Les RH peuvent également valider leurs décisions en utilisant ces outils. L’humain reste aux commandes ! Prenons l’exemple d’un radiologue.

Les machines à leur disposition permettent d’entourer les tumeurs, calculer les grossissements. Cependant, le médecin reste maître de l’analyse et de la décision finale.

Les tâches répétitives sont ainsi confiées à une Intelligence Artificielle, pour que les équipes puissent se concentrer sur des tâches plus complexes. Concrètement, l’IA a la faculté aujourd’hui de :

  • recommander une shortlist de candidats à un recruteur pour un poste spécifique
  • soumettre des formations à suivre pour un employé selon ses centres d’intérêts et les compétences à développer
  • émettre des propositions de mobilité interne à un collaborateur en fonction de ses souhaits et de ses compétences ;
  • co-rédiger une offre d’emploi ou une fiche de poste
  • proposer un package d’avantages sociaux en fonction du profil d’un collaborateur
  • répondre à des questions RH « simples » (“où en est ma demande de formation ?” ou “à combien de jours de congés ai-je droit pour un mariage ?”)

L’IA libère l’esprit des équipes RH

En définitive, l’IA trouve sa place dans les RH partout où elle peut analyser des données. Elle y trouvera des modèles qu’elle sera capable de reproduire, pour en détecter des signaux préalablement définis côté RH. 

Les robots peuvent par exemple libérer l’esprit humain en émettant des alertes dans les domaines du juridique ou des déclarations obligatoires. Les RH prennent ensuite le relais pour poursuivre le processus. 

L’ère de l’intelligence augmentée et partagée entre intelligence émotionnelle et l’intelligence artificielle est donc en marche. 

Bien sûr, certains métiers vont évoluer (apparition de nouveaux métiers, recentrage des missions sur ce qui nécessite de la réflexion et apporte le plus de valeur ajoutée au client, revalorisation de certains métiers…)

Intelligence Artificielle ou pas, ça ne changera rien.

Quelles sont les différentes applications IA pour les RH ?

Le recrutement comme terrain de jeu de l’IA

Plusieurs entreprises ont travaillé sur la mise en place d’algorithme de matching pour épargner le long sourcing des CV au recruteur.

C’est ainsi que l’application Kudoz a été fondée en 2017 (depuis rachetée par Le Bon Coin) et fonctionne sur le modèle des applications de rencontre, en particulier Tinder, avec l’utilisation du matching et du swiping. Elle permet au recruteur de poster une offre, puis de recevoir les candidats dont les compétences correspondent parfaitement au poste avec l’aide d’un habile algorithme, parmi ceux qui ont « liké » l’annonce.

L’IA : entre startups et éditeurs de logiciel

Mais les start-ups ne sont pas les seules à se lancer à la conquête de l’IA. Les éditeurs de logiciels et SIRH montent également au créneau pour proposer leurs services.

Oracle a par exemple conçu un chatbot capable d’émettre une vingtaine de conversations. Il répond ainsi aux questions des employés, pour décharger les RH sur des sujets qui ne demandent que très peu de conseils ou d’interactions. Même son de cloche du côté de Workday avec People Experience ou SAP avec la Conversational IA

Dans l’hexagone, Chatbot Factory est par excellence, l’agence française de design d’assistants personnels, utilisables par chaque collaborateur au sein de l’entreprise.

Tous les services que proposent ces applications permettent indéniablement aux RH de mieux performer sur des processus qui demandent davantage d’investissement intellectuel. Ils ont enfin le temps de travailler sur des sujets de fonds !

Comment les équipes RH s’appuient-elles sur l’IA pour mieux performer ?

Gardons à l’idée que l’intelligence artificielle n’a aucunement vocation à remplacer l’intelligence humaine mais simplement à lui servir de support. L’alliance Homme-machine a d’ailleurs porté ses fruits plus d’une fois et notamment dans les jeux de stratégie !

Que s’est-il passé avec le champion du monde d’échec en 1997 ?

En 1997, Gary Kasparov est l’actuel champion du monde d’échec. Cette même année, il est battu lors d’une partie contre un ordinateur nommé Deep Blue. Suite à une succession d’expérimentations, il s’associe à la machine pour essayer de battre une autre machine. 

Cette fois-ci, hors de question de perdre. En associant la puissance de calcul de la machine et les compétences de Kasparov, ils parviennent à remporter un tournoi hybride homme/machine.

Aucun robot de ne peut battre la collaboration entre l’homme et de la machine.

L’IA côté RH devrait fonctionner de la même manière. En effet, grâce à l’IA, le RH pourra détecter les signaux faibles de désengagement, proposer des alternatives pour monter en compétences, cartographier son référentiel pour avoir l’information la plus à jour possible. 

C’est par exemple le cas chez 365Talents. Notre plateforme SaaS prend en compte toutes les informations à disposition des équipes RH. Un algorithme analyse ensuite les compétences au sein de l’entreprise, pour en dégager des opportunités de formation comme de mobilité interne. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. 

Cette aide est précieuse pour le RH. Pourquoi ? 

Chaque RH gère en moyenne une centaine de collaborateurs. Idéalement, il connaît la plupart d’entre eux mais ne peut faire une analyse juste et complète de chacun de ces profils.

Les dernières applications de recrutement fonctionnent sur un modèle de matching. Là aussi, l’objectif est de gagner du temps ! Les recruteurs se voient proposer les meilleurs candidats de leur base de données. Ils se concentrent alors sur la préparation des entretiens pour une petite sélection de candidatures.

Les plateformes de Learning Management System s’inspirent, elles, de l’algorithme de Netflix et proposent d’ores et déjà des recommandations de formation aux collaborateurs en fonction de leurs compétences.

L’IA permet donc indéniablement au RH de gagner du temps sur certains processus grâce à des algorithmes performants, mais aussi ce que l’on appelle le « machine learning ».

IA, Machine Learning, Deep Learning : quelles différences ?

Le jargon de l’IA est riche, entre algorithme, IA conversationnelle, IA décisionnelle ou encore machine et Deep Learning. Petit point définition !

Un algorithme se définit comme un ensemble de règles opératoires propres à un calcul.

Nous allons donc donner des exemples de comportements à un algorithme afin qu’il puisse prédire de nouveaux modèles à l’avenir. Attention, si les données injectées sont mauvaises, alors les résultats seront approximatifs ou faussés. 

Ces derniers reflètent finalement les décisions d’un expert. Il n’y a donc pas de magie dans tout ça. 

Un algorithme d’IA sert à gérer un nombre important de données, en procédant à une infinité de combinaisons possibles en très peu de temps. Un humain pourrait prendre plusieurs années pour effectuer le même calcul…

L’IA conversationnelle permet au RH ou au salarié d’accéder à des données et des réponses grâce à une interaction (conversation), avec une IA. C’est le principe du chatbot : fournir une réponse la plus personnalisée possible en fonction du besoin initial. 

L’IA décisionnelle permet au robot de suggérer des actions au RH, comme par exemple des mesures ciblées visant à accompagner des salariés dans la difficulté ou au contraire à promouvoir un salarié à fort potentiel.

Le machine learning est une IA qui permet à un robot d’apprendre automatiquement. Il tire des conclusions de plus en plus pertinentes au fil du temps et de son entraînement.

Quant au Deep Learning, il va encore plus loin en imitant les réseaux de neurones du cerveau humain, lui permettant par exemple de faire de : 

  • la reconnaissance faciale
  • l’analyse du sentiment et des émotions humaines, 
  • comprendre les langages d’un individu…

Tanguy Moreau est ingénieur et Data Scientist chez 365Talents. Pour expliquer ce qu’est le deep learning, il prend l’exemple de la voiture autonome. 

“La voiture détecte un mouvement humain. Elle doit aussi être capable de détecter qu’il est sur le trottoir ou sur un passage piéton. Dans le cas du passage piéton, la voiture devra s’arrêter. On ajoute une couche de complexité supplémentaire pour comprendre l’information et raisonner. On travaille de la reconnaissance sur de la reconnaissance.” 

Le deep learning pose d’ailleurs la question épineuse de l’IA prédictive. 

Dans un futur proche, l’IA pourra t-elle prédire le comportement ou le potentiel d’un salarié en analysant son passé voire son présent et l’infinité de données lui étant associées ?

Cette pratique existe mais reste, pour le moment, peu développée et controversée. À ce propos, nous ne sommes pas favorables à ce type de pratiques.

Impact des challenges de l’IA sur les fonctions RH

Le principal challenge réside dans l’équilibre Homme / Machine. L’Humain va programmer la machine pour réagir en fonction de certains biais. 

Les données sont les ingrédients de l’IA. Elles vont être analysées à travers des modèles statistiques adaptés à chaque situation. C’est ainsi que la machine va pouvoir émettre des prédictions à partir desquelles des décisions pourront être prises par les RH : mobilité, accompagnement, formation, recrutement…

À ce propos, il est donc primordial d’avoir une bonne qualité de données (Data Quality Management) en début de projet. Et c’est de la responsabilité du RH de s’assurer que les opportunités de postes et de formations soient décrites de manière qualitatives pour alimenter correctement la machine.

C’est la même chose du côté du référentiel de compétences. Si votre référentiel est construit dynamiquement grâce à des techniques de traitement automatique du langage (NLP), les rapprochements devront être validés par les RH. 

En outre, elle est plus objective et neutre que l’être humain, notamment dans le domaine du recrutement ou de la mobilité dans lesquels le RH peut être biaisé par ses émotions, ses affinités et inimitiés.

Un humain au raisonnement subjectif peut-il apprendre à une machine à raisonner sans discrimination ?

La réponse est affirmative ! Il suffit de lui fournir les données adéquates et les instructions justes. 

Chez 365Talents, l’IA utilise les compétences des salariés, leurs expériences, leurs niveaux de pratique, leurs souhaits de carrière, les retours utilisateurs et non les données personnelles telles que la photo, le genre, l’âge ou encore le nom. L’algorithme analyse les profils en fonction de critères professionnels objectifs pour les faire matcher aux opportunités existantes.

Les experts sont formels, l’IA propose, les hommes disposent. Ainsi, l’IA joue et jouera le rôle de super-assistant RH. Reste à trouver le juste équilibre entre les tâches automatisables et les décisions prises en s’appuyant sur l’IA.

“L’algorithme propose les opportunités susceptibles d’intéresser les collaborateurs. Mais il ne remplacera jamais l’intuition et l’accompagnement humain. L’IA mâche une partie du travail à l’humain en lui faisant des estimations, mais finalement c’est aux RH de traiter les informations reçues”. Tanguy Moreau, Data Scientist chez 365Talents

Le DRH reste le maître à bord. Il pilote la stratégie, continue de prendre au bout du compte les décisions vis-à-vis des collaborateurs et de son département.

Le challenge pour le RH sera ensuite d’adapter le nouveau rôle du manager. Son périmètre peut évoluer, mais il reste un interlocuteur privilégié pour partager l’information au niveau opérationnel. C’est donc aussi à lui de “démystifier” l’IA auprès des collaborateurs.

Conclusion et limites de l’IA aujourd’hui

Si l’IA permet un gain de temps considérable pour le RH, il n’en a pas moins démontré certaines failles. Avez-vous déjà entendu parler d’Amazon et son programme informatique “intelligent” en 2015 ?

Il était capable d’examiner des centaines de CV en leur attribuant une note (de 1 à 5 étoiles). Jusque-là, rien d’anormal. C’est d’ailleurs le même système utilisé par les banques pour catégoriser leurs clients. 

Sauf qu’un an après, ça coince… Les équipes internes réalisent que la machine privilégie les hommes, laissant les femmes pour compte ! L’ordinateur s’appuyait sur la plupart des candidatures reçues depuis une dizaine d’années, qui étaient majoritairement masculines et en a déduit qu’il était préférable de privilégier des hommes dans le recrutement. Les candidatures féminines étaient donc rejetées !

L’IA n’est pas malveillante et ne fait qu’obéir aux paramètres pré-remplies des Hommes derrières ces algorithmes.

Le RH demeure le garant de l’humanisme de la fonction face au robot. Le défi prochain sera donc de trouver un juste milieu entre humain et IA pour décharger les RH tout en leur permettant de conserver l’essence de leur métier, dans lequel l’humain se trouve au cœur.

En synthèse

 Non, l’IA ne va pas faire disparaître le métier de RH
→ Concentrons-nous sur l’alliance Homme / Machine
→ La machine reste programmée par l’Homme, ne l’oublions pas ! 
→ La machine reste neutre et non discriminante si les données d’entrée le sont également 
→ Avec l’IA, le RH se voit déchargé de certaines tâches rébarbatives 
→ L’IA permet au RH de mieux performer sur des tâches stratégiques

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